Je souhaiterais offrir à mon fils le nouveau testament dans une édition récente
Question d'origine :
Bonjour,
Je souhaiterais offrir à mon fils le nouveau testament. Je cherche une version sérieuse avec une bonne traduction, la plus proche de l'original.
POurriez vous m'aider s'il vous plait?
merci beaucoup
Réponse du Guichet
La traduction du Nouveau Testament à préférer dépend de l'usage qu'on souhaite en faire, et à qui on la destine. Voici quelques éléments pour vous décider.
Bonjour,
Vous nous posez là une question quasiment insoluble. Comme le rappelle un excellent article des "Essentiels" de la BnF, Diffusion et traduction des Évangiles, "La Bible reste le texte le plus traduit dans le monde" et, "aujourd’hui, l’œuvre de traduction et de diffusion" de la Bible, qui eut longtemps de lourdes implications politiques et/ou religieuses, se poursuit.
Toutefois, une approche appropriée de votre question nous permettra de vous apporter des éléments de réponse.
Selon la spécialiste en littérature comparée Claire Placial dans son article “Est-ce que tu pourrais me conseiller la meilleure traduction de la Bible?” (ou: comment répondre à la question récurrente et impossible)) (langues de feu. Consulté le 8 avril 2024), un texte sera plus ou moins adapté à un lecteur en fonction de son âge, de son niveau de familiarité avec le texte, de sa sensibilité religieuse s'il y a lieu, mais également de l'usage qu'il souhaite en faire :
Quand on me demande un conseil pour choisir une traduction, ma première question est toujours celle-ci: “pour quel usage?” Il me semble en effet que l’usage que l’on fera de la traduction gouverne même le choix (ou non) d’une traduction confessionnelle. Parmi les types d’usages vraisemblables, on peut penser à
- la volonté de lire dans une perspective confessionnelle le texte sacré du monothéisme auquel on se rattache: on veut avant tout une Bible juive / catholique / protestante
- la volonté d’avoir une Bible d’étude avec des notes exégétiques (usage cumulatif avec le précédent)
- la volonté d’avoir une Bible d’étude avec des notes philologiques (usage cumulatif avec le précédent et le suivant)
- la volonté de lire un texte fondateur de la culture occidentale, pour comprendre l’art européen (art pictural, littérature)
- la volonté de faire lire la Bible à des personnes dont l’accès à l’écrit est limité par manque de pratique, de vocabulaire… (usage antithétique des recours aux bibles d’études)
- la volonté de découvrir des versions anciennes, contemporaines, originales de la Bible traduite autrement qu’en “français biblique” – chercher la rupture donc (usage antithétique des démarches confessionnelles)
Et de citer différentes catégories de traductions :
Très succinct panorama des traductions de la Bible
* Traductions catholiques
- Bible de Jérusalem (existe en versions d’étude)
- Bibles de Maredsous, d’Osty… Moins diffusées néanmoins
- Traduction liturgique (texte lu pendant la liturgie)
* Traductions protestantes
L’increvable Bible Segond, première édition 1874, révisions multiples dont la “Nouvelle Bible Segond”, existe en édition d’étude
La Bible du Semeur, traduction plus récente
* Traduction oecuménique: la TOB (traduction oecuménique), chrétienne, mais, donc, oecuménique
* Traduction à visée littéraire, mais très proche dans ses méthodes de la Bible de Jérusalem: la Bible de la Pléiade dirigée par Dhorme
Traductions juives
* la Bible du rabbinat: reprend la traduction de Zadok Kahn, plus que centenaire
* Traductions effectuées par des traducteurs juifs se revendiquant comme tels, mais sans label rabbinat
- traductions de plusieurs livres par Meschonnic
- traduction d’André Chouraqui, qui passe souvent pour être littérale, qui ne l’est en réalité pas tant que ça
* Traductions d’intérêt historique
- La Bible de Castellion (1555) rééditée chez Bayard: étouffée par les Bibles calvinistes mieux diffusées, la version de Castellion est linguistiquement époustouflante, de la tenue de celle de Luther en Allemagne – elle n’a pu avoir la même aura pour des raisons de pouvoir: Castellion, opposant politique de Calvin, était à l’échelle de la francophonie à la marge de la marge.
- La Bible de Port-Royal (celle que consultaient Hugo et Rimbaud), qui a le grand mérite d’être effectuée sur le latin de la Vulgate et de proposer un accès en français à la version latine qui a longtemps été la version consultée par les écrivains et au coeur de la liturgie
- entre autres….
* Un ovni: la Bible Bayard, dont voici une excellente recension par le toujours excellent Jean-Marie Auwers.
Pour une première approche par un lecteur contemporain, que nous imaginons plutôt jeune, nous tendrions à éliminer évidemment les traductions anciennes (Castellion et Port-Royal), mais également la bible Bayard, dite également Bible des écrivains, à laquelle nous avons consacré assez récemment une réponse, qui, malgré son originalité et sa qualité, peut s'avérer trop littéraire et peu accessible... de même, la Bible Chouraqui, qui se veut la plus littérale possible : le texte y est si marqué par le substrat culturel juif des premiers siècles qu'on peinera à s'y retrouver, à moins de déjà bien connaître le contexte comme le texte.
Partant d'un constat identique, le théologien Timothée Minard va toutefois un peu plus loin. Si selon lui et sauf exception "toutes les traductions courantes et modernes sont globalement fiables et de bonne qualité", l'exercice même de la traduction entraîne nécessairement des choix radicaux quant à la fidélité au texte (grec, concernant les évangiles) : cette fidélité doit-elle s'en tenir au sens ou également à la forme ? Un même mot grec ou hébreux doit-il être traduit par un même mot français même s'il change de sens selon le contexte ? Comment choisir le sens d'un mot ambigu quand l'équivalent français ne reflète pas cette ambiguïté ? Sans compter qu'aucun manuscrit "originel" contemporain des évangiles ne nous étant parvenu, les versions anciennes utilisées comme base par les traducteurs peuvent différer légèrement.
Comme Placial, Minard insiste sur la prise en compte du lecteur et de l'usage dans le choix d'une bible - contrairement à elle (et à notre grande joie), il donne quelques conseils :
Le choix d’une traduction biblique dépendra donc de l’utilisation:
Pour la méditation ou la lecture personnelle,nous avons tendance à privilégier une Bible avec laquelle on se sent à l’aise. Celle-ci correspond souvent à «celle avec laquelle on a grandi». En deuxième lieu, cela dépendra de nos exigences littéraires, mais aussi de nos a priori confessionnels. Toutefois, je conseillerais de changer de temps à autre de «Bible» en en prenant une que nous connaissons peu: cela peut permettre de renouveler la méditation de textes bien connus.
Pour l’étude,il est impératif de lire un même passage dans plusieurs traductions (à moins de lire le grec et l’hébreu). Il sera surtout important de consulter des Bibles utilisant des principes de traduction différents (équivalence dynamique ou formelle). Nous avons un grand privilège de disposer de nombreuses traductions de qualité en français: ne nous en privons pas!
Pour la lecture avec d’autres : on privilégiera une traduction qui correspond au niveau de langage de la personne ou du groupe avec qui on fera la lecture.
- Avec des enfants: la traduction «Parole de Vie» sera excellente.
- Avec des jeunes, ou avec des «débutants»: des traductions comme la «Français Courant», la «Semeur» ou la «Segond 21» seront souvent plus faciles à utiliser
- Pour une étude biblique avec des chrétiens «non-débutants»: on privilégiera une traduction à équivalence formelle comme la NBS, la Segond ou la TOB.
Outre ces conseils, nous ne saurions trop vous suggérer de comparer vous-même quelques traduction. Il est très facile de se procurer différentes versions en ligne, par exemple via Lexilogos.
Divers outils de comparaisons de traductions ont par ailleurs été mis au point : le site Bibliorama propose par exemple un comparateur de littéralité, Emmanuelle Levy un panorama de diverses versions selon des critères multiples.
Pour aller plus loin :
Bibles en français, traduction et tradition [Livre] : actes du colloque des 5-6 décembre 2003 / [organisé par le] Studium Notre-Dame de Paris
VERRIER Jean, Traductions de la Bible et manières de lire, Le français aujourd'hui, 2006/4 (n° 155), p. 29-36
Bonne journée.
DANS NOS COLLECTIONS :
Ça pourrait vous intéresser :
Qu'évoquent les deux croix de procession de la cathédrale...